Lorsqu'on souhaite louer un logement, on se retrouve souvent face à des questions concernant les garanties que le bailleur peut exiger. Parmi les termes qui reviennent fréquemment, deux sont souvent confondus : la "caution" et le "dépôt de garantie". Ces deux concepts sont pourtant distincts et soumis à des réglementations spécifiques. La question se pose alors : peut-on exiger légalement une caution ET un dépôt de garantie ?
La législation applicable
Le cadre légal régissant le dépôt de garantie et la caution en location est principalement défini par le Code Civil et la Loi du 6 juillet 1989.
Le code civil
- L'article 1724 du Code Civil définit le dépôt de garantie comme une somme d'argent versée par le locataire au bailleur afin de garantir le respect des obligations du bail. Son objectif est de couvrir les éventuels dommages causés au logement ou les loyers impayés.
- L'article 1729 du même code impose une limite au montant du dépôt de garantie. Il ne peut pas excéder deux mois de loyer hors charges pour un logement vide et un mois de loyer hors charges pour un logement meublé.
- L'article 1731 précise les modalités de restitution du dépôt de garantie. Il est restitué au locataire, déduction faite des éventuels frais de réparation, dans un délai maximum de deux mois à compter de la restitution des clés.
La loi du 6 juillet 1989
- L'article 14 de cette loi interdit au bailleur de demander un paiement supplémentaire au dépôt de garantie. En d'autres termes, il est interdit de réclamer une caution en plus du dépôt de garantie pour couvrir les mêmes risques.
- L'article 15 encadre la mise en place d'une caution solidaire. Il est possible de demander une caution solidaire si le locataire présente un risque financier important. Cependant, la caution solidaire doit être acceptée par le locataire et sa responsabilité est limitée au montant du dépôt de garantie.
Jurisprudence
La jurisprudence a également contribué à clarifier les règles applicables. Par exemple, en 2018, la Cour de cassation a jugé que la demande d'une caution en plus du dépôt de garantie était abusive si le dépôt de garantie couvre déjà les risques habituels du bail. Cette décision confirme l'interdiction de demander une double garantie pour les mêmes risques.
Analyse des situations de location
La question de savoir si une caution peut être exigée en plus du dépôt de garantie dépend de la situation spécifique du locataire et du bien loué. Voici quelques cas de figure à analyser.
Le dépôt de garantie couvre les risques du bail
Le dépôt de garantie est destiné à couvrir les dommages causés au logement et les loyers impayés. Si le locataire présente un profil standard, avec un revenu stable et un historique locatif sans problème, le dépôt de garantie suffit généralement à couvrir les risques du bail. Dans ce cas, la demande d'une caution supplémentaire serait abusive.
Prenons l'exemple de Jean, un salarié en CDI avec un salaire régulier, qui souhaite louer un appartement à Paris. Il a un historique locatif irréprochable, sans aucun retard de paiement ni dégradation. Dans cette situation, le dépôt de garantie, plafonné à deux mois de loyer, devrait suffire à couvrir les risques pour le bailleur. Il serait donc abusif de demander une caution supplémentaire à Jean.
Risque financier important du locataire
Si le locataire est un étudiant, un jeune salarié sans revenu stable ou s'il possède un historique de non-paiement, le bailleur peut avoir des raisons légitimes de demander une caution. La caution peut être une personne physique ou une société qui s'engage à payer les loyers impayés ou à indemniser le bailleur en cas de dommages.
Prenons l'exemple de Marie, une étudiante de 20 ans qui souhaite louer un studio à proximité de son université. Elle n'a pas de revenus stables et son historique locatif est inexistant. Dans cette situation, le bailleur peut légitimement demander une caution solidaire. La caution devra être une personne fiable, capable de s'engager financièrement, et devra donner son accord.
Il est important de noter que la caution solidaire doit être validée par le locataire et sa responsabilité est limitée au montant du dépôt de garantie. Le bailleur ne peut pas exiger que la caution solidaire s'engage à payer une somme supérieure au dépôt de garantie.
La caution solidaire
Une caution solidaire est une personne physique ou morale qui s'engage à payer les dettes du locataire en cas de non-paiement ou de dommages. Elle est solidaire du locataire, ce qui signifie qu'elle est tenue de payer la totalité de la dette, même si le locataire est solvable.
Il est important de noter que la caution solidaire n'est pas systématiquement acceptée par les tribunaux. La Cour de cassation a déjà jugé que la demande d'une caution solidaire était abusive si le bailleur ne justifiait pas d'un risque locatif spécifique et important. En d'autres termes, la simple présence d'un risque financier ne suffit pas à justifier la demande d'une caution solidaire.
Prenons l'exemple d'un bailleur qui souhaite louer un appartement à un jeune couple. Le couple n'a pas d'historique locatif et leurs revenus sont modestes. Le bailleur souhaite se prémunir des risques de non-paiement et demande une caution solidaire. Cependant, le couple refuse de fournir une caution et le bailleur refuse de louer l'appartement. Dans cette situation, le bailleur pourrait se voir reprocher une demande abusive de caution solidaire si les revenus du couple permettent de couvrir les loyers et si aucun élément ne laisse penser qu'il y a un risque de non-paiement.
Le locataire étudiant
Les locations étudiantes sont souvent sujettes à des réglementations spécifiques. Le bailleur peut demander un dépôt de garantie, mais il est généralement limité à un mois de loyer hors charges. Il est possible qu'un bailleur exige une caution solidaire, notamment si l'étudiant n'a pas de revenus stables. Cependant, la demande doit être justifiée par un risque locatif spécifique, et le bailleur doit respecter les conditions légales pour la mise en place de la caution.
Par exemple, un étudiant qui n'a pas de revenus stables et qui souhaite louer un studio dans une résidence étudiante peut se voir demander une caution solidaire par le bailleur. Le bailleur peut justifier cette demande par le risque que l'étudiant ne puisse pas payer ses loyers en cas de difficultés financières. Cependant, le bailleur doit s'assurer que la caution solidaire est valablement constituée et que l'étudiant a donné son accord.
Il est important de noter que, dans les locations étudiantes, le dépôt de garantie est souvent plafonné à un mois de loyer, et la caution solidaire est généralement limitée au montant du dépôt de garantie. Il est donc important de bien se renseigner sur les réglementations spécifiques applicables aux locations étudiantes.
Les conséquences d'une demande abusive
Si le bailleur demande une caution en plus du dépôt de garantie, sans justifier d'un risque locatif spécifique, il risque de se voir appliquer des sanctions.
Risques pour le bailleur
- La clause du contrat de location concernant la caution peut être déclarée nulle par le tribunal, ce qui signifie que le bailleur ne pourra pas réclamer la caution au locataire.
- Le bailleur peut se voir imposer des amendes et des dommages et intérêts au locataire, en réparation des préjudices subis.
Risques pour le locataire
- Le bailleur peut refuser de louer le logement au locataire si celui-ci refuse de payer la caution supplémentaire.
- Le locataire peut rencontrer des difficultés à trouver un nouveau logement en cas de besoin, si le bailleur précédent fait figurer sa demande abusive de caution dans son historique locatif.
En effet, les demandes abusives de caution peuvent avoir un impact négatif sur la réputation du bailleur et sur sa capacité à louer ses biens. Il est donc important pour les bailleurs de respecter la législation en vigueur et de ne pas demander une caution supplémentaire au dépôt de garantie, sauf cas exceptionnels et bien justifiés.
Conseils pratiques
Que vous soyez locataire ou bailleur, il est essentiel de bien comprendre la législation concernant la caution et le dépôt de garantie. Voici quelques conseils pratiques pour éviter les conflits et les demandes abusives.
Conseils pour les locataires
- Lisez attentivement le contrat de location et ne signez pas si vous avez des doutes.
- Négociez les conditions du bail et les garanties demandées, en vous appuyant sur la législation en vigueur.
- N'hésitez pas à demander conseil à un professionnel du droit ou à une association de défense des locataires si vous avez des questions.
Conseils pour les bailleurs
- Informez-vous sur les règles applicables concernant la caution et le dépôt de garantie.
- Ne demandez pas une caution si le dépôt de garantie couvre déjà les risques habituels du bail.
- Rédigez un contrat de location clair et respectueux de la législation.
En conclusion, la législation française est claire : la demande d'une caution en plus du dépôt de garantie est généralement interdite. Il est important de respecter ces règles pour garantir un rapport locatif harmonieux et éviter les conflits. Si vous avez des doutes, n'hésitez pas à consulter un professionnel du droit ou à vous renseigner auprès d'une association de défense des locataires.